Du troc au bitcoin, une histoire de la monnaie #1/3

Cet article fait partie d’une trilogie qui aborde l’histoire du bitcoin à travers trois échelles de temps différentes :

Histoire monnaie bitcoin cryptoquiz

 

 

« La monnaie est la meilleure histoire jamais inventée et racontée par les humains, car c’est la seule à laquelle tout le monde croit. » Yuval Harari

 

Comme toute chose en ce monde, la monnaie n’a cessé d’évoluer depuis sa création. Depuis plusieurs millénaires, cette notion a revêtu des aspects bien différents. Du troc à l’apparition des pièces, le besoin d’échanger de la valeur s’est depuis toujours fait sentir. Les cryptomonnaies s’inscrivent aujourd’hui dans cette longue tradition. Elles ne sont, à priori, pas une simple mode. Elles sont une nouvelle expression de ce système d’échange. L’histoire nous dira si elles n’auront été qu’un simple essai, une parenthèse, ou bien si elles révolutionneront notre système d’échange, de la finance à l’économie locale.

Avant d’aborder les aspects historiques du sujet, quelques rappels seront faits sur les fonctions principales d’une monnaie. Cela permettra de parfaitement mettre en perspective les évolutions et révolutions qui nous ont amenées aux cryptomonnaies.

 

Les fonctions d’une monnaie

Quelle que soit la forme qu’elle adopte, une monnaie possède principalement trois fonctions, interdépendantes.

La première est celle de servir d’intermédiaire lors d’un échange. N’importe qui peut acquérir la possession d’un bien en échange d’une somme d’argent prédéfinie. Un échange de valeur s’effectue donc entre deux personnes, au moyen de la monnaie. La personne qui possédait un bien ou proposait un service se retrouve avec de l’argent et la personne acquéreuse, en échange de son argent, possède désormais un objet ou a bénéficié d’un service.

La seconde fonction est celle de servir de standard dans l’attribution de valeur. Elle permet d’attribuer une valeur à un bien ou à un service.

Enfin, la monnaie sert de réserve de valeur. Il est possible de conserver son argent pour ne l’utiliser que plus tard. Il est même possible d’accumuler de la monnaie, c’est la notion d’épargne. La valeur peut d’ailleurs être conservée soit sous la forme d’argent soit sous la forme d’un bien, immobilier, par exemple.

 

Le troc ou la monnaie objet

Avant l’antiquité, une personne était riche si elle possédait de nombreux biens. Si elle possédait une vaste demeure, beaucoup d’outils et un troupeau de bétail conséquent, par exemple, elle était davantage en mesure d’échanger une partie de ses biens contre de la nourriture ou d’autres biens qu’une personne qui ne possédait que peu de chose. Ce système de troc, pratique, présentait néanmoins un inconvénient majeur : il était rare que deux biens de natures différentes aient la même valeur ou que l’un soit un multiple exact de l’autre. Il y avait donc en permanence un déséquilibre dans les échanges.


La monnaie physique

Assez rapidement, et pour pallier à ce défaut, un système de référence fut mis en place avec la création d’un intermédiaire porteur de valeur. Des objets de petite taille, faciles à transporter et quasi identiques, comme des coquillages par exemple, permirent d’établir la valeur des objets à échanger. Les coquillages furent peu à peu remplacés par des petits objets métalliques, faciles à fabriquer en grand nombre. L’apparition des pièces est datée du VIIème siècle avant Jésus Christ. Elles sont constituées de différents matériaux, ce qui leur donne des valeurs différentes et bien définies. Les métaux précieux (or, argent et bronze) s’imposent pour étalonner ces valeurs. Les pièces devant être de poids identique, pour que le système soit équitable, certaines unités de poids donne leur nom au monnaie (comme le marc ou la livre). Le problème avec ce système c’est qu’il est dépendant des stocks de métaux et cela contraint la quantité de monnaie en circulation. C’est une contrainte importante. La croissance est ainsi bridée par la quantité de monnaie disponible. Ce fut le cas, par exemple, en Europe, au Moyen Age. A l'inverse, quand les Espagnols ramenèrent des centaines de tonnes d'or et d'argent des Amériques, l'économie européenne connut une forte embellie.

                                                                   Coquillage monnaie cryptoquiz                                     Monnaie  cryptoquiz

                                                  Coquillages ayant servi de monnaie             Exemple des premières pièces de monnaie

 

Les monnaies papier et scripturale

Le système doit donc continuer à évoluer. Afin d’émettre de la monnaie papier et ainsi se dégager, entre autre chose, de la contrainte des métaux précieux, la Banque d'Angleterre est créée en 1694. C’est elle qui sera chargée d’imprimer les billets du royaume. En France, plusieurs essais seront réalisés en ce sens avec le système de Law puis les assignats révolutionnaires. Mais à chaque fois, ces monnaies se dévaluent et perdent la confiance des français qui préfèrent revenir aux pièces d’or. C’est dans cette dynamique que sera créé le « napoléon » (pièce d’or de 20 francs), en 1803.

Le principe de la monnaie papier perdure malgré tout et cohabite avec la monnaie métallique. Il faudra attendre les révolutions industrielles pour que la contrainte des stocks de métaux précieux, or et argent, devienne tellement insoutenable que les Etats vont imposer la monnaie papier et faire tourner la planche à billets. A cette époque, John Maynard Keynes, économiste de son état, dira d’ailleurs que le système basé sur les métaux précieux est « une relique barbare éloignée de l’esprit et des besoins des temps nouveaux ». Cette citation pourrait parfaitement être recyclée aujourd’hui par les défenseurs des cryptomonnaies pour évoquer le système financier actuel…

                                                                      Napoleon cryptoquiz                                  Keynes cryptoquiz

                                                                   Pièce "Napoléon"                                       John Maynard Keynes

 

La monnaie fiduciaire

Par ailleurs, les Etats vont imposer une seconde chose : la monnaie scripturale. C’est-à-dire celle que l’on n’écrit que dans des registres, hier papier, aujourd’hui électroniques. Une banque ne possède pas tout l’argent détenu par ses clients. Elle n’en possède qu’une partie. Tout le reste est de la monnaie scripturale. Il suffit de savoir qui possède combien et le tracer dans un registre électronique car, statistiquement, il y a peu de chance pour que tous les clients utilisent, en même temps, tout leur argent. Il faudra cependant attendre 1971 pour que le dollar, devenu monnaie de référence mondiale au sortir de la seconde guerre mondiale, soit déconnecté totalement de l’or. C’est à cette période que la plupart des banques centrales gagnent leur indépendance vis-à-vis des Etats, dans le but de renforcer la confiance des citoyens dans leur monnaie. En 1999, la première monnaie sans aucune référence à aucun métal est créée. Il s’agit de l’euro.

La plupart des monnaies actuelles sont donc « indépendantes » des Etats. Elles ne sont plus indexées sur un bien matériel, comme ce fut le cas avec l’or. Leur valeur repose uniquement sur la confiance accordée à l’émetteur. On parle alors de monnaie fiduciaire (du latin fudicia, la « confiance »). Leurs supports (pièces et billets) n’ont aucune valeur intrinsèque. Ce ne sont plus des métaux précieux qui sont utilisés pour les pièces et les billets, bien que réalisés avec du papier hautement technologique, restent en papier. C’est d’ailleurs pour cette raison que les banques cherchent, grâce à l’avènement des nouvelles technologies (carte bancaire, paiement grâce aux smartphones, …), à faire disparaitre la monnaie physique, qui, intrinsèquement ne vaut pas grand-chose, mais qui coûte lors de sa fabrication, sa mise en circulation, son renouvellement, etc.

Aujourd’hui, si la création de la monnaie s’opère de manière indépendante aux Etats, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un système centralisé dont le fonctionnement est régulièrement pointé du doigt, lors de crises financières notamment.

  

La cryptomonnaie

La confiance en les monnaies traditionnelles s’est vue fortement remise en cause lors des dernières crises financières. Leur centralisation, qui permet leur création en grande quantité et ainsi dévalue leur valeur, les risques de contrefaçon ou encore les manipulations diverses et variées de leur cours sont autant de points faibles que le bitcoin, via la technologie blockchain, entend résoudre.

Si nous devions lister les principaux avantages, avancées les plus notables portés par les cryptomonnaies, bitcoin en tête, nous pourrions retenir :

  • La possibilité de décentraliser la création de la monnaie
  • La dématérialisation totale du système monétaire
  • La sécurisation des échanges grâce à la technologie blockchain
  • La vitesse des transactions (quelques minutes contre quelques jours en passant par une banque)
  • La possibilité de rendre public l’ensemble des transactions
  • La possibilité de rendre totalement anonyme des échanges de valeur
  • La possibilité d’échanger de la valeur sans avoir recours à un tiers de confiance (une banque par exemple), et ce de façon complètement sécurisée.

 


Conclusion

Les cryptomonnaies répondent donc à de nombreuses attentes. En ce sens, c’est une évolution assez naturelle de la monnaie.

Le bitcoin n'est donc pas une absurdité monétaire. C’est un futur possible, même si ses premiers pas s’accompagnent de volatilité et de spéculation. A ce jour, il n’est pas encore possible de parler véritablement de monnaie car aucune cryptomonnaie n’est assez stable pour remplir les trois fonctions d’une monnaie. La trop grande volatilité ne permet pas, par exemple, d’être une réserve de valeur. Mais cela viendra.

De la même façon, certains reprochent aux cryptomonnaies d’être trop nombreuses. Rappelons tout d’abord, que toutes les cryptomonnaies n’ont pas vocation à servir de monnaie. Il s’agit plus de cryptoactifs que de véritables cryptomonnaies. Nous vous renvoyons, sur ce sujet, à la description des différents cryptoprojets. Par ailleurs, la compétition entre monnaies a toujours existé. Dans la Grèce antique, chaque cité frappait ses propres pièces. La plus célèbre d’entre elles étant certainement la chouette d’Athènes. Et de nos jours, cela perdure. La plupart des Etats impriment leur propre monnaie et une véritable compétition existe sur ce marché. Dans le même temps, les monnaies locales ont la cote et elles sont de plus en plus nombreuses chaque jour. Monnaie d’Etat, monnaie locale, cryptomonnaie, le futur de la monnaie sera indéniablement multiple et les différentes formes d’échange de valeur seront certainement complémentaires. Le bitcoin, qui a déjà dix ans d’existence, et les cryptomonnaies écriront certainement de très belles pages dans l’histoire de la monnaie.

 

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