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Les origines du Bitcoin, Cypherpunks et Cie #2/3

Cet article fait partie d’une trilogie qui aborde l’histoire du bitcoin à travers trois échelles de temps différentes :

Cypherpunk cryptoquiz

Nous allons aborder ici les fondements idéologiques du bitcoin. Nous verrons comment cela a d’ailleurs permis, lors de sa création, de fédérer, entre autre, une large communauté autour du projet.

Le fait que le bitcoin ait été conçu en 2008 peut laisser penser qu’il était une simple réaction à la grande crise financière mondiale née la même année. Et même si Satoshi NAKAMOTO a inséré, dans le premier bloc de la blockchain bitcoin, le titre du magazine Times du 3 janvier 2009 faisant référence au sauvetage des banques par les États (« Chancellor on brink of second bailout for banks »), il est sûrement plus juste de dire le projet bitcoin est arrivé au bon endroit au bon moment et qu’il a profité d’une plus large adhésion grâce à la crise financière. Le bitcoin n’est donc pas qu’une réaction à la crise de 2008. Il répond à un ensemble de questions, apparues dans les années 90, au début de l’internet grand public, sur la gestion de la vie privée et des données associées. A cette époque, un groupe, composé de mathématiciens, d’informaticiens, de cryptographes mais aussi de hackers, se constitue dans le but de militer pour la protection de la vie privée sur internet. Ils seront appelés les « cypherpunks ».

                                                                                                    Times 3 janvier 2009 cryptoquiz

                                                                             La Une du Times du 3 Janvier 2009

 

Les cypherpunks

Les cypherpunks sont un groupe informel de personnes qui agit pour la protection de la vie privée en créant des méthodes et outils basés sur la cryptographie. Le mouvement est né à la fin des années 80. Le constat était qu’aucune information qui transitait sur internet n’était cryptée et qu’il n’y avait, par conséquent, aucune protection de la vie privée. Les cypherpunks estimaient qu’il fallait protéger ces données pour éviter que des entreprises ou des gouvernements ne puissent les exploiter à des fins commerciales, électorales ou de surveillance. A cette époque, personne ne prenait au sérieux cette problématique, les nouvelles joies qu’apportaient internet étaient encore bien trop grandes pour qu’on s’inquiète d’un tel sujet. Par ailleurs, le commun des mortels estimait que les entreprises et les gouvernements n’avaient que faire des données personnelles transitant sur internet. Mais l’histoire et l’actualité encore récente, illustrée par le scandale Facebook-Cambridge Analytica, ont démontré que les cypherpunks avaient vu juste : les données personnelles intéressent bel et bien les entreprises et les gouvernements et il est utile de créer des gardes fous pour conserver une vie privée.

Timothy May, l’un des créateurs de la mouvance cypherpunk a déclaré : « Les cypherpunks estiment que la vie privée est une bonne chose et souhaitent qu’il y en ait davantage. Ils reconnaissent que ceux qui veulent une vie privée doivent s’en donner les moyens et ne pas simplement attendre des gouvernements, des entreprises ou d’autres organisations immenses et sans visage, qu’ils leur accordent une vie privée par bienveillance. Les cypherpunks savent que les peuples ont dû se créer leur propre vie privée pendant des siècles, avec des murmures, des enveloppes, des portes fermées et des courriers secrets ». A l’ère d’internet, les murmures, enveloppes, portes fermées et courriers secrets sont remplacés par la cryptographie. C’est d’ailleurs de là que vient le mot « cypherpunk ». C’est un terme inventé par Jude Milhon, autre grande figure du mouvement. Cela se voulait être une référence au cyberpunk (courant de science-fiction mettant en scène une société technologiquement avancée, notamment dans les sciences de l’information. On retrouve dans ce mot la contraction des mots « cybernétique et « punk », renvoyant finalement à des racines anarchistes, à ceux qui remettent en question l’ordre établi). « Cyber » a été remplacé par « cypher » (« cipher » signifie « chiffrement » en anglais).

 

                                                                 Timothy may cryptoquiz                                   Jude milhon cryptoquiz

                                                                 Timothy May                                          Jude Milhon (dite St Jude)

 

Les cypherpunks luttent notamment contre l’argument, « si vous n’avez rien à cacher, pourquoi protéger vos données », souvent avancé par les gouvernants. Mais c’est par un autre prisme que le problème est abordé par les activistes : « pourquoi laisserais-je quelqu’un être en possession de mes informations ? ». Et fort heureusement, les cypherpunks ont poursuivi sur leur voie et ont proposé, grâce à la cryptographie, des nombreuses avancées dans le domaine de la protection des données. Nous y reviendrons plus tard.

Les cyphers étaient nombreux aux Etats Unis, dans la Silicon Valley, et, grâce à internet, le réseau cypherpunk s’est rapidement constitué. Au début, c’était de simples mailing list (mails envoyés à toute une liste de personnes) assorties de quelques forums de discussion où on échangeait sur le sujet. C’est John Gilmore qui a véritablement initié le mouvement en créant la première mailing list. Il a également été un des fondateurs de l’EFF (Electronic Frontier Foundation), une ONG américaine pour la promotion des libertés individuelles sur internet.

Par la suite, plusieurs manifestes ont été rédigés afin de transcrire les fondements idéologiques du mouvement. On peut citer Le Manifeste crypto-anarchiste de Timothy May, publié en 1992. IL s’agit d’un texte fondateur et visionnaire d’orientation libertaire qui aborde la révolution numérique que nous vivons aujourd’hui. Le manifeste d’un cypherpunk, d’Eric Hughes, publié un an plus tard, reprend l’idée que la vie privée doit être préservée et qu’un système d’échanges anonymes doit être généralisé. Il encourage tous les cypherpunks à inventer et coder des outils permettant de rendre anonyme les échanges d’information sur internet. Pour celles et ceux que cela intéresse, les principaux textes du mouvement sont disponibles sur le site du Nakamoto Institute.

Parmi les solutions proposées par les cypherpunks, directement ou indirectement, on retrouve un ensemble de protocoles, aujourd’hui unanimement utilisés (https, "s" pour chiffré, pgp, premier modèle de chiffrement grand public pour internet, ssl, protocole de chiffrement des données qui transitent sur internet, …). Finalement, le peu de vie privée que nous avons sur internet, nous le devons, en grande partie, au mouvement cypherpunk et à leur idéologie. Aujourd’hui ce mouvement est toujours vivant et actif, les affaires Wikileaks (Julien Assange) et Panamas papers en sont les parfaits exemple, tout comme la création du protocole « bittorent » (échange de fichier de façon anonyme), par Bram Cohen.

 

Les cypherpunks et les cryptomonnaies

En 1983, David Chaum, qui n’appartient pas à la mouvance cypherpunk, crée la première monnaie électronique appelée « e-cash » (pour « argent liquide électronique »). C’est une monnaie centralisée, privée et basée sur des principes cryptographiques. Dans le système imaginé par Chaum, il y avait une banque capable de réaliser les écritures comptables. Le projet est rapidement un échec mais il a le mérite d’attirer l’attention de la communauté cypherpunk et le bitcoin reprendra de nombreux concepts développés par la communauté. D’ailleurs Satoshi Nakamoto, le créateur du bitcoin, a publié son livre blanc sur une mailing list cypherpunk et y demande de l’aide pour développer son projet. Il a, par la suite, travaillé avec de nombreux d’entre eux.

 

>>> Lire le livre blanc du bitcoin en français <<<

 

Parmi les principales inspirations du bitcoin, nous pouvons en citer ici quelques-unes :

En 1997, le projet « hcash » a pour but est de supprimer les spams sur les emails. Il met en œuvre la technologie de preuve de travail (imaginée par Hal Finney). Cette technologie est utilisée aujourd’hui par le bitcoin comme moyen de validation des transactions.

Un an plus tard, en 1998, c’est au tour du projet « bitgold » de tenter sa chance. Co-créé par Nick Szabo, il s’agit d’une monnaie numérique décentralisée. Le projet n’ira finalement pas au bout de l’implémentation. Mais le principe de décentralisation sera retenu pour bitcoin.

Autre projet précurseur, celui de Wei Dai et de sa monnaie "b-money". Il s’agissait de proposer un moyen de paiement électronique anonyme et distribué. Une fois encore, le projet n’aboutira pas car le modèle de confiance était trop compliqué à mettre en place mais bitcoin s’inspirera de l’anonymat des paiements (même s’il est plus juste de parler d’une monnaie pseudonyme dans le cas du bitcoin).

Par ailleurs, certains cypherpunks ont créé leur propre monnaie. C’est le cas du Zcash, par exemple, qui se veut être 100% anonyme, créé par Zooko Wilcox.

 

                                                                     Zooko wilcox cryptoquiz                                     Zcash cryptoquiz

                                                                  Zookko Wilcox                                                     Logo du Zcash

 

Conclusion

Même si le bitcoin n’est pas un projet cypherpunk à proprement parler et que la numérisation de la monnaie peut apparaître comme une suite logique dans l’histoire de celle-ci, il apparait évident que le bitcoin puise ses origines en grande partie dans la mouvance cypherpunk.

La crise de 2008 a simplement été un catalyseur pour le bitcoin mais n’en est pas la cause même si c’est aussi une critique du système économique.

Aujourd’hui, la plupart des cryptoprojets ont oublié un peu la philosophie anti système à l’origine du bitcoin même si les principes mis en œuvre (décentralisation, anonymat, ...) sont toujours au cœur de nombreux projets.

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